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Les évolutions prévisibles dans le domaine de la santé

Les professionnels de la recherche sont habitués aux questionnements concernant les implications éthiques, légales et sociales du développement médical. Les sciences humaines et sociales évoluent en permanence. Les innovations technologiques accentuent cette tendance. On s’attend désormais à des évolutions phénoménales dans plusieurs aspects de la santé humaine.

  • L’Intelligence artificielle au service de la santé

La première Intelligence Artificielle apparaît dans les années 1950. Toutefois, il faut attendre le milieu des années 2010 pour voir cette technologie faire son irruption dans plusieurs domaines d’activités sensibles. Le secteur des soins n’y échappe pas. En médecine, l’IA trouve des applications inimaginables il y a quelques années. Certains médecins utilisent cette technologie pour prédire l’évolution de l’état de santé d’un patient ou l’évolution d’une maladie.

De nombreux tests montrent également l’efficacité de l’IA en médecine de précision, notamment pour prescrire des traitements personnalisés. Des soignants utilisent cette technologie comme aide au diagnostic ou comme un simulateur, pour anticiper une pandémie. Plus spectaculaire encore, des chirurgiens mènent des essais avancés sur des robots compagnons guidés par IA. Leur objectif est de gagner en précision lors des opérations complexes, surtout celles qui impliquent des personnes fragiles ou âgées.

Le développement exponentiel de l’IA se conjugue évidemment avec les progrès spectaculaires de la robotique. Prothèses intelligentes, robots d’assistance aux personnes et exosquelettes sont autant de systèmes robotiques propulsés par l’IA qui vont révolutionner le domaine de la santé dans un futur proche.

  • La nanotechnologie

La nanotechnologie explore de nouvelles possibilités offertes par le comportement différent et inédit des matériaux à l’échelle nanométrique ou nanoscopique. Les chercheurs découvrent que les lois de la physique telles que nous les connaissons fonctionnent différemment dans cet ordre de grandeur. On sait, par exemple, que les nanoparticules de dioxyde de titane multiplient les capacités de filtration UV des crèmes solaires.

Les chercheurs ont aussi réussi à développer une nouvelle vésicule artificielle, appelée liposome, qui figure déjà dans la composition de certaines crèmes hydratantes. Grâce aux nanotechnologies, l’Homme peut structurer et contrôler des assemblages moléculaires destinés à agir directement sur un organe ou un tissu du corps humain. Des outils de diagnostic ex ou in vivo contiennent également des dispositifs dotés de nanoparticules capables de s’infiltrer dans une zone précise du corps humain.

L’énorme potentiel des nanotechnologies émerge en 2020, durant la crise de la Covid-19. Les laboratoires de Pfizer/BioNTech et de Moderna font appel aux nanoparticules pour concevoir des vaccins à ARN messager. Le principe de ces sérums novateurs est « simple ». Dans un vaccin normal, on injecte une forme inactive ou atténuée d’un agent infectieux dans l’organisme. Cette opération provoque une réaction du corps, qui développe alors des cellules immunitaires « mémoires ». Ces nouvelles défenses se déclenchent automatiquement lorsque l’organisme est de nouveau exposé à l’agent pathogène dans le futur.

Les vaccins à ARN messager de Moderna et de BioNTech fonctionnent différemment. Au lieu d’injecter un agent pathogène inactif ou atténué, ils transmettent l’information d’une infection par l’agent pathogène. Ce leurre génomique oblige l’organisme à produire lui-même des fragments d’agents infectieux. L’apparition de ces fragments déclenche une réponse immunitaire protective. Dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2, les chercheurs ont développé un ARN messager qui code la protéine Spike.

Cette dernière se trouve à la surface du virus et agit comme un liant. Sans cette protéine Spike, le coronavirus SARS-CoV-2 ne peut pas s’accrocher aux cellules du corps humain avant de les infecter. Les vaccins à ARN messager contiennent un vecteur nanométrique chargé de transmettre l’information de codage de la protéine Spike jusqu’au cytoplasme des cellules. Ce vecteur a la forme d’un liposome (une bulle de gras creuse) ou de nanoparticules de lipides (bulle de gras pleine).

 

  • La cryogénisation

Dans sa quête permanente de l’immortalité, l’Homme n’a pas peur d’explorer des territoires inconnus ou qui titillent les limites de l’éthique. C’est notamment le cas de la cryogénisation, une technologie sensible autorisée aux États-Unis, en Russie et en Chine. La cryogénisation ou « cryonie » consiste à conserver un être vivant, en entier ou en partie, dans de l’azote liquide à une température extrêmement basse, au-delà de -150 °C.

Les défenseurs de la cryonie pensent que cette technique permet de conserver indéfiniment les cellules cérébrales et donc d’empêcher la mort cérébrale, du moins en théorie. Sans surprise, les fondements de cette technologie se heurtent à des barrières qui invitent à réfléchir sur ses implications éthiques, légales et sociales.

Ces interrogations éthiques sont moins présentes pour la cryogénie. Cette technique utilise la même procédure que la cryogénisation, à une seule différence. La cryogénie s’emploie uniquement dans la conservation de certains organes ou substances, comme le sperme, les embryons ou les ovocytes. Dans ce cas, on peut aussi parler de processus de vitrification. La cryoconservation est encore peu avancée dans plusieurs pays et ne soulève pour l’instant aucune problématique éthique majeure, contrairement à la cryogénisation.

  • La télémédecine

La recherche médicale profite aussi du développement continu des technologies de l’information. Le partage d’informations entre plusieurs équipes internationales est aujourd’hui monnaie courante. Ces pratiques obligent les établissements sanitaires et de recherche à revoir leurs protocoles en matière de protection des sujets de recherche et de confidentialité des données médicales.

Ces aspects éthiques concernent aussi la télémédecine ou l’e-santé. Cette nouvelle forme de consultation soulève des questions et des dilemmes éthiques qui méritent d’être résolus. Comment garantir la confidentialité des échanges et des informations du patient lors d’une consultation en ligne ? D’un point de vue éthique, jusqu’où s’arrête la responsabilité légale des professionnels de santé si le patient administre lui-même les soins prescrits à distance ?

Ces questions – et bien d’autres encore – doivent faire l’objet de débat public pour faire avancer l’éthique de la télémédecine et l’éthique de l’e-santé. Cette problématique est aussi l’une des nombreuses implications éthiques, légales et sociales du développement médical.

  • La médecine personnalisée

Pour des raisons pratiques et réglementaires, les cliniciens prennent toujours soin d’adapter leurs prescriptions aux besoins individuels de chaque patient. L’avènement du Big Data et des techniques de décryptage et de séquençage de l’ADN pousse la personnalisation des soins à un autre niveau.

Ces progrès offrent la possibilité de développer des modèles capables de déterminer les interventions les plus pertinentes sur chaque patient. Ces décisions pilotées par le Data concernent les soins les plus simples, comme le changement de régime alimentaire, jusqu’aux thérapies plus complexes.

Cette perspective soulève une nouvelle fois des questions liées aux implications éthiques, légales et sociales du développement médical. Comment les médecins, infirmiers ou auxiliaires de santé doivent-ils réagir si le traitement personnalisé demandé par le patient va à l’encontre de leurs convictions personnelles ou du code de déontologie ? Que penser des soins ultra-personnalisés ou d’avant-garde, qui n’ont pas encore fait l’objet de débats éthiques suffisants ? La multiplication des protocoles de soins ne constitue-t-elle pas une porte ouverte à des dérives éthiques de la part des professionnels de santé et des patients ?

Ces questionnements éthiques appellent l’intervention d’une commission éthique constituée de toutes les parties impliquées dans le débat : association médicale, centres de recherches, ordre des médecins, représentants des patients, faculté de médecine, centre hospitalier, leaders politiques et leaders d’opinion, entre autres. Les échanges doivent rester ouverts et se dérouler dans un espace de réflexion réellement représentatif de la société d’aujourd’hui et de demain.

  • La médecine préventive

« Mieux vaut prévenir que guérir », dit le proverbe. La médecine préventive applique cette formule à la lettre. Elle fait appel à différents leviers, comme l’éducation à la santé, les programmes IEC : Information – Education – Communication, et la sensibilisation du public. La priorité de la médecine préventive consiste à limiter l’apparition de maladies.

Dans le cas contraire, elle prône le dépistage précoce, condition primordiale pour un traitement rapide et efficace des maladies. Le cadre éthique de la médecine préventive repose donc sur le bien-être de l’homme,  la responsabilisation du public et le respect de l’autonomie du patient dans ses prises de décision.

La médecine prédictive, la médecine participative et la médecine régénérative sont autant d’autres axes de développements majeurs de la santé dans le futur. Pour mieux préparer et appréhender ces modèles, toutes les parties doivent assimiler pleinement leurs implications éthiques, légales et sociales sur le développement médical.

Agora Ethique & Santé

Partie 5 – Une approche éthique et acceptable de l’utilisation de l’intelligence artificielle en médecine

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