Omniprésentes au quotidien, les nouvelles technologies s’immiscent aussi dans d’autres domaines stratégiques et vitaux. Le milieu médical n’échappe pas à cette tendance. Il fait même partie des secteurs où les innovations technologiques se multiplient à un rythme soutenu. Le potentiel d’utilisation des produits high-tech en matière de santé est presque illimité :
- Les techniques de modification du vivant et la biotechnologie élargissent les possibilités de traitement de plusieurs maladies rares.
- Les thérapies numériques permettent aux soignants de mieux surveiller à distance les symptômes, les résultats des traitements thérapeutiques et les modifications du comportement des patients atteints d’une maladie chronique.
- Les applications de diagnostic initial en santé mentale améliorent la qualité des échanges entre les psychothérapeutes et leurs patients.
- Plus connectés, les patients demandent plus de prestations en e-santé et en télémédecine
- Les technologies robotiques accompagnent désormais les chirurgiens, prothésistes et autres spécialistes dans les salles d’opération.
- Les appareils portables de santé, comme les montres intelligentes et les capteurs intégrés, changent complètement l’approche de la prévention et du suivi de santé individuel. Un médecin généraliste ou spécialisé peut recueillir une quantité de données phénoménale sur la fréquence cardiaque, les signes vitaux et la saturation en oxygène du sang. Ces renseignements sont d’une importance capitale pour améliorer le diagnostic médical.
- Grâce aux imprimantes 3D, la fabrication de tissus et de prothèses prend une autre dimension. L’impression 3D d’organes vitaux peut même devenir une réalité.
- La réalité virtuelle et la réalité augmentée permettent de diversifier les examens de santé et de développer ensuite des traitements médicaux avant-gardistes. Des médecins peuvent ainsi superposer des scans 3D et des données de tomodensitogrammes pour mieux comprendre l’état ou le fonctionnement du corps humain. En psychiatrie, les casques de réalité virtuelle montrent de belles promesses dans les thérapies et le traitement de certaines phobies.
Prometteuses, ces technologies révolutionnent les pratiques professionnelles en milieu médical. Elles attirent aussi l’attention sur les implications éthiques, légales et sociales du développement médical. Quelques questions doivent être posées, pour mesurer la portée éthique de ces innovations :
A-Quelles autorités fixent les conditions d’utilisation des technologies en milieu médical ?
Le Conseil de l’ordre de médecins est l’autorité chargée de rédiger et de faire appliquer le code de déontologie médicale. L’autorisation et le suivi de l’utilisation des nouvelles technologies dans les protocoles de soins relèvent donc de sa responsabilité. Cependant, il existe des cas où le code d’éthique et les règles de la profession sont défaillants, souvent à cause du caractère inédit d’une technologie.
En l’absence de repères éthiques fiables, le débat éthique doit être porté devant un ou plusieurs espaces de réflexion pluridisciplinaires. L’avis des Agences régionales de santé ou ARS, du comité consultatif régional et des comités éthiques des instituts de recherche comme l’INSERM est alors nécessaire.
Si le problème ne se règle pas à ce niveau, le Comité consultatif national d’éthique se saisit du dossier. La décision rendue par cet organe consultatif sert de base à l’élaboration de règles claires sur les applications médicales des nouvelles technologies. Si le doute persiste, le comité et le Conseil national de l’ordre peuvent recommander le principe de précaution.
B-Comment conserver une relation saine entre patients et médecins ?
Avec le Big Data, l’Intelligence artificielle et la robotique, le lien traditionnel entre médecin et patient se transforme. Le langage corporel devient moins présent et le sens de la proximité se dissipe progressivement. Une forme d’éloignement psychologique s’installe et peut altérer la confiance mutuelle entre les deux parties.
Pourtant, la responsabilité sociale des professionnels de santé impose au médecin de remplir son devoir de loyauté et de s’impliquer individuellement dans les protocoles de soin, dans le respect de la vie et de la personne humaine.
C-Doit-on uniformiser les règles d’emploi des technologies dans la médecine ?
Ce point entre dans le domaine de l’éthique organisationnelle et de l’éthique de la planification des politiques de santé. Or, chaque pays a sa propre vision en matière d’innovation et de système de santé. Certains se montrent plus permissifs que d’autres. Les politiques de santé des pays dépendent des modes de pensée, des valeurs morales, de l’héritage culturel et historique ainsi que d’autres facteurs qui relèvent de l’anthropologie.
En clair, plusieurs obstacles s’opposent à l’uniformisation des règles d’utilisation des nouvelles technologies dans le milieu médical. Les implications éthiques, légales et sociales du développement médical varient en fonction des pays, de leurs politiques de santé et d’autres critères démographiques, sociologiques et financiers notamment.
Cette diversité n’empêche pas la définition d’une norme régionale ou mondiale pour déterminer les obligations éthiques des fabricants, des fournisseurs et des exploitants des technologies employées dans les sciences de la santé. Cette norme doit se fonder sur un principe éthique commun, qui protège l’équité dans l’accès aux soins, la justice en santé et l’autonomie des patients entre autres.