Les enseignants chercheurs, directeurs de hautes études et autres responsables de laboratoires sont les locomotives du développement médical. Ces personnes ont contribué à la mise en place des techniques et technologies de soins modernes. Cela va sans dire que ces chercheurs ont toujours besoin de patients humains, volontaires et impliqués, pour réaliser leurs expérimentations. Ces essais produisent d’énormes quantités de données essentielles à l’avancement de la recherche médicale et de l’éthique appliquée.
Néanmoins, un changement de paradigme est nécessaire à ce niveau. Plutôt que de considérer le patient comme une source de données, la communauté scientifique doit admettre son rôle actif dans le développement de soins ou d’une organisation de soins plus performants. Plus que de simples cobayes, les patients remplissent tous les critères pour devenir de véritables protagonistes de la recherche et de toute décision éthique en lien avec le développement médical.
Les chercheurs gagnent ainsi à explorer n’importe quel domaine éthique dans lequel l’implication des patients semble pertinente et bénéfique pour la science. L’Association Française des CROs et plusieurs associations de patients ont organisé des états généraux sur ce thème. Leurs réflexions ont permis d’identifier une nouvelle approche éthique concernant l’intégration du patient dans les recherches cliniques. Dans cette formule, le patient est considéré comme un être éthique, conscient et doué des mêmes principes moraux que les chercheurs eux-mêmes. Une plus grande implication des patients se révèle utile dans au moins cinq aspects du développement médical :
- Hiérarchiser les priorités de recherche
Les chercheurs sélectionnent leur sujet d’étude à partir de questions identifiées par le raisonnement scientifique. Comment atténuer la viralité d’un agent infectieux ? Quelles molécules agissent le mieux sur tel ou tel symptôme ? Comment limiter les effets secondaires d’un traitement médicamenteux ? Leur méthode repose presque exclusivement sur des critères biologiques et sur les protocoles propres à la culture de laboratoire.
À force de trop se focaliser sur la biologie, ils négligent l’aspect humain de leur recherche. De quoi le patient a-t-il vraiment besoin ? En posant la bonne question, les directeurs de recherche peuvent prendre les bonnes décisions éthiques par rapport à la hiérarchisation de leurs objectifs.
Par exemple, une étude réalisée sur des patients asthmatiques révèle qu’ils aspirent en priorité à une meilleure gestion des interactions de la maladie à d’autres états de santé et une meilleure gestion des effets indésirables des bronchodilatateurs. Pourtant, la majorité des recherches médicales sur les troubles asthmatiques se concentrent sur les moyens de prévention, la compréhension des cellules inflammatoires des tissus et le développement d’une biothérapie personnalisée.
- Contribuer à l’amélioration de l’accès aux essais
Le plus souvent, les essais cliniques incluent uniquement les patients des médecins qui sont à l’origine ou participent à la recherche. Ce mode de sélection exclut d’emblée d’autres profils susceptibles d’intéresser la science, pour la seule raison qu’ils ne sont pas en contact avec les investigateurs.
Dans l’idéal – et conformément à l’éthique des sciences –, la justice de santé doit être appliquée dès la phase de sélection des participants à un essai clinique. Cela permet une plus grande diversification des sujets d’étude et la constitution d’un groupe de patients plus hétérogène. Les centres hospitaliers, les UFR des universités et les associations ont un rôle à jouer dans le relai des informations concernant l’éthique des recherches en cours.
- Une meilleure information sur l’objet de l’étude
Les chercheurs se plient systématiquement à l’obligation de recueillir le consentement éclairé des patients avant de les intégrer dans un essai clinique. Néanmoins, les documents présentés aux candidats sont souvent très longs et contiennent des termes techniques incompréhensibles pour la majorité. Certains patients acceptent ainsi d’intégrer un programme de recherche, sans saisir pleinement le déroulement de l’essai. Des améliorations restent à faire dans ce domaine.
- Participation au design et à la conduite de la recherche
Bien plus que de simples sujets d’étude, les patients sont des êtres doués d’intelligence. Plusieurs d’entre eux ont même des références éthiques solides ou ont suivi une formation à l’éthique avant de rejoindre un programme de recherche. Pour toutes ces raisons, connaître leur point de vue et leur position vis-à-vis de l’étude est crucial. Ont-ils des questions par rapport au déroulement de l’essai clinique ? Quelles données souhaitent-ils recueillir en priorité dans le cadre de l’étude ? Quels résultats attendent-ils du programme ?
Des patients impliqués dans la conduite d’une étude se montrent plus coopératifs. Ils garantissent la faisabilité de l’essai, en particulier des études d’efficacité comparée qui nécessitent un suivi sur le long terme.
- La médecine à l’ère de l’expérience utilisateur
L’usage des nouvelles technologies dans la médecine moderne pose inévitablement la question de l’expérience utilisateur, un sujet qui relève de l’éthique. Comment savoir si les outils de télémédecine, les diagnostics aidés par l’IA et les soins impliquant des solutions robotiques répondent vraiment aux besoins des patients ? Là encore, l’implication des patients aux programmes de recherche fait économiser du temps et beaucoup d’argent aux chercheurs et aux laboratoires. Premiers utilisateurs de ces dispositifs de santé innovants, les patients ont le droit d’imposer leurs conditions concernant les interactions avec ces technologies.
Partie 11 – Comment gérer et prévenir les conflits éthiques et dilemmes moraux