Les fabricants et distributeurs de produits médicaux innovants contribuent beaucoup à l’amélioration des techniques de soins et de la prise en charge des patients, en milieu hospitalier ou non. Leurs activités ont aussi des implications éthiques, légales et sociales sur le développement médical en général. Puisqu’ils maîtrisent les connaissances et les technologies derrière leurs produits, les fabricants et distributeurs ont l’obligation d’informer au mieux les utilisateurs sur le fonctionnement de ces dispositifs. Ils interviennent de fait dans la formation continue des praticiens au sein des établissements de santé ou dans un centre médico-social. Avant, pendant et après la livraison, les fabricants de dispositifs médicaux doivent toujours tenir compte des enjeux éthiques de leurs activités. Les pratiques éthiques des fournisseurs de produits médicaux innovants reposent sur cinq principes fondamentaux :
- Le principe d’équivalence
Un fabricant ou un fournisseur recrute souvent des professionnels de la santé pour fournir un service en son nom ou pour son compte. Dans ce cas, l’éthique de la recherche médicale interdit au fournisseur de verser des honoraires supérieurs à la valeur marchande des services proposés par le professionnel de santé.
- Le principe d’image et de perception
Les fabricants/distributeurs sont tenus de considérer la perception de leurs technologies médicales par le public et par les professionnels de santé. Un trop grand nombre de réactions négatives peut révéler un aspect éthique ou une interrogation éthique négligé lors du développement d’un produit. Ces critiques pourraient les conduire à revoir leur décision éthique sur un sujet en lien avec le dispositif. Le choix des partenaires, le sourcing des matières premières, la sélection des sujets d’essais et le processus de validation des tests sont autant d’aspects susceptibles d’impacter l’image d’un produit médical auprès du public.
- Le principe de documentation
Les échanges entre un fabricant ou distributeur avec un professionnel de santé doivent toujours être documentés et datés. La traçabilité de ces interactions permet d’énumérer les engagements de chaque partie et de s’assurer de la conformité de l’accord avec l’éthique de soin et l’éthique professionnelle des entreprises de développement médical. Le contrat signé par les deux parties doit mentionner la nature des services à fournir, l’objet de l’interaction, le mode de paiement des dépenses et la rémunération. Des rapports d’activité, factures et autres documents se joignent au dossier pour constituer une preuve du besoin et de la réalité des prestations.
- Le principe de transparence
Structurellement, les industries pharmaceutiques et les professions de santé forment un ensemble insécable. L’un ne va pas sans l’autre. Sans les fabricants/fournisseurs de dispositifs médicaux, les médecins sont dans l’impossibilité d’exercer leur métier dans les meilleures conditions. À l’inverse, les entreprises pharmaceutiques s’appuient sur les renseignements et la coopération des praticiens pour améliorer leurs produits. Ce faisant, les deux parties contribuent au développement médical. Néanmoins, les deux parties se doivent d’agir en toute transparence afin d’éviter tout conflit d’intérêts et autre problème d’éthique. En France, les laboratoires de recherche et les entreprises pharmaceutiques publient les contrats signés avec les professionnels de santé sur une base de données accessible au public. Elles doivent aussi déclarer les montants qu’elles ont reçus pour développer de nouveaux produits médicaux, ainsi que leurs sources de financement.
- Le principe de séparation
Pour des raisons évidentes d’intégrité, les fabricants et les professionnels de santé respectent une certaine neutralité dans leur relation éthique. L’éthique et la responsabilité sociale des entreprises pharmaceutiques leur interdisent d’abuser de leurs liens avec les soignants pour influencer les décisions d’achat.
Selon la même base éthique, les professionnels de santé se gardent de monnayer leur coopération en échange de transactions ou de recommandations de vente des produits médicaux dans leur établissement. L’application de ce principe contribue à l’instauration d’une certaine équité dans la répartition des ressources médicales. Grâce à cette règle, une pharmacie ou un réseau de pharmaciens ne pourra pas obtenir l’exclusivité de la distribution d’un médicament ou d’un dispositif médical.
À ces cinq principes de base s’ajoutent les obligations légales et sociales communes à tous les acteurs du développement médical. Ainsi, la mise sur le marché de nouveaux médicaments ou produits médicaux nécessite toujours l’accord des autorités de santé compétentes. En France, ce rôle revient à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou ANSM. Au niveau européen, l’Agence européenne d’évaluation des médicaments ou EMA s’occupe de ces autorisations. Le fabricant/fournisseur doit fournir plusieurs garanties avant la commercialisation des produits médicaux :
- La sécurité d’emploi du dispositif : un listing des précautions et des potentiels effets indésirables est obligatoire.
- La qualité pharmaceutique : que contient le produit ? est-il vraiment stable ? etc.
- L’efficacité du dispositif : les données des essais pharmacologiques sont à transmettre à l’ANSM ou à l’EMA pour validation. Sauf cas particulier, un médicament ne peut être commercialisé sans avoir montré des résultats satisfaisants durant les quatre phases obligatoires d’un essai clinique.
La mise sur le marché des produits médicaux repose donc sur deux responsabilités distinctes. D’un côté, la responsabilité éthique des décideurs en santé incombe aux autorités chargées notamment d’évaluer le rapport bénéfice/risque du médicament et de prendre une décision éthique en conséquence. Les fabricants, eux, ont la responsabilité d’appliquer l’éthique de recherche médicale. Cela inclut notamment l’obtention d’un consentement éthique dans les essais cliniques auprès d’un ou plusieurs sujets d’étude. Le gros des charges repose en réalité sur les entreprises pharmaceutiques, qui doivent tenir compte de différentes normes éthiques en fonction du traitement qu’elles développent :
- L’éthique de la reproduction assistée s’applique aux recherches axées sur les traitements liés à la fécondation in-vitro et aux technologies de conservation de l’
- L’éthique de la génétique médicale concerne le développement de procédés similaires au CRISPR, les techniques de séquençage ADN et les thérapies cognitives pour les personnes porteuses de trisomie.
- L’éthique de la médecine régénérative pour évaluer les produits et les approches permettant de remplacer, réparer ou régénérer des cellules.
- L’éthique de la fin de vie pour les traitements, en gériatrie, en soins palliatifs et de l’Alzheimer en phase terminale.
- L’éthique de la gestion des pandémies pour le développement de protocoles de prévention et de lutte contre la propagation de maladies infectieuses à très forte viralité.
Autrement dit, l’analyse des implications éthiques, légales et sociales du développement médical par les fabricants/distributeurs dépend de leur domaine d’activité et de leurs spécialisations.
Partie 8 – Les enjeux éthiques liés au marchandisage de technologies coûteuses