fr
fr

Les enjeux éthiques liés au marchandisage de technologies coûteuses

Analyser les implications éthiques, légales et sociales du développement médical conduit inévitablement à l’étude des enjeux liés à la commercialisation des technologies coûteuses. La question est de définir un encadrement éthique du marchandisage, où les valeurs de partage, de bienfaisance et d’égalité sont prioritaires.

  • Comment garantir un accès équitable à des soins coûteux ?

Les laboratoires, centres de recherche ou de formations universitaires et CHU investissent d’énormes sommes d’argent dans la recherche et le développement de nouveaux produits. Ces coûts se répercutent automatiquement sur le prix de vente de ces produits lorsqu’ils sont mis sur le marché. Cependant, les faits montrent que les tarifs de commercialisation des médicaments et autres dispositifs médicaux intègrent aussi d’autres composantes. Une unité standard d’insuline, vendue à 80 euros aux États-Unis, coûte par exemple dix fois moins cher en Australie, au Royaume-Uni ou en France.

Cette énorme différence s’explique en partie par le fonctionnement et l’organisation des systèmes de santé dans chaque pays. Aux États-Unis, les industries pharmaceutiques, les assureurs et les fournisseurs de produits de santé sont libres de fixer leurs tarifs sur le marché. Ce n’est pas le cas en France, où la Sécurité Sociale négocie directement avec les laboratoires. Les coûts administratifs et les surcoûts résultant d’une sur-prescription d’examens font aussi gonfler la facture finale.

Les coûts exorbitants de certains produits médicaux pénalisent évidemment les personnes les plus précaires. Elles sont doublement désavantagées si elles ne sont pas couvertes par une bonne assurance maladie. La barrière des prix creuse alors les inégalités d’accès aux soins entre les riches et les pauvres. Les plus vulnérables risquent même un refus de soins, faute d’argent.

Les décideurs de santé, les enseignants chercheurs des milieux universitaires, les laboratoires et les politiques ont le pouvoir de donner une orientation éthique au processus de fixation des prix de vente des médicaments. De ce point de vue, le système français, basé sur une approche éthique universelle, est un modèle à suivre :

  • L’Assurance maladie joue parfaitement son rôle en intervenant directement auprès des laboratoires
  • Les autorités de santé et législatives fixent un cadre réglementaire clair, qui protège la population contre les abus. Cette réglementation oblige aussi les fabricants à développer une éthique commerciale axée sur la bienfaisance.

Bien que performant, le système de santé français montre aussi ses limites éthiques. Pour certains, l’interventionnisme de l’État et des organismes de protection sociale constitue un frein au développement de la recherche médicale. Le plafonnement des prix pèserait sur la capacité des fabricants et des laboratoires pharmaceutiques à financer leurs travaux de recherche. L’existence de leviers de financement direct et indirect de la recherche pharmaceutique par l’État annule cet argument. Entre les dotations pour les hôpitaux militaires, les fonds pour la formation des professionnels de santé, les dépenses de recherche et le Crédit d’impôt recherche, la France injecte chaque année des sommes colossales pour faire avancer la médecine.

  • Faut-il s’inquiéter de la financiarisation des entreprises de santé ?

Au-delà de la recherche du bien-être et de la santé de l’homme, le développement de nouvelles technologies est une activité très lucrative. Les bénéfices dégagés par les géants pharmaceutiques dépassent ceux de l’industrie du luxe.

Par exemple, Moderna, BioNTech et Pfizer – à l’origine des vaccins les plus employés dans la lutte contre la Covid-19, ont engrangé jusqu’à 34 milliards de dollars de bénéfices avant impôts en 2021. Ces laboratoires ont reçu plus de 8 milliards de dollars de financement public pour développer les vaccins anti-Covid. Ils revendent les doses à un prix 5 fois supérieur à leur coût de production. En parallèle, ils refusent catégoriquement de partager les technologies et les savoir-faire avec les pays qui ont les compétences et les installations nécessaires à la production de vaccin.

Ces comportements à mille lieues du discours éthique tenu par les fabricants de médicaments soulèvent plusieurs questions d’ordre éthique. Doit-on accepter le fait que les laboratoires pharmaceutiques perçoivent des dividendes sur des technologies développées avec des fonds publics ? Quelles sont les responsabilités de l’État et des autorités de régulation éthique vis-à-vis des prix prohibitifs de certains médicaments ? Comment s’assurer de l’intégrité des entreprises pharmaceutiques en matière d’éthique alors qu’elles adoptent de plus en plus une posture orientée vers le profit et la rentabilité ?

Ces interrogations demandent une concertation nationale et globale, impliquant toutes les parties concernées : comité éthique des entreprises, comité consultatif national, responsable des hautes études des universités, conseiller en éthique de l’État, etc. Pour prévenir les dérives, ces discussions doivent se tenir régulièrement, chaque semestre ou chaque année, et de préférence dans un espace de réflexion éthique neutre et ouvert au débat.

Agora Ethique & Santé

Partie 9 – Les défis juridiques liés à la protection des droits des patients

Laissez un commentaire