fr
fr

Comment gérer et prévenir les conflits éthiques et dilemmes moraux

Tout le monde n’a pas la même compréhension, ni la même vision des implications éthiques, légales et sociales du développement médical. La diversité des points de vue constitue la base même de la liberté de pensée de chaque individu. L’existence de différents courants de pensée génère souvent des frictions, des contradictions qui relèvent plus d’un conflit éthique que d’une rivalité physique. Les professionnels de santé, y compris les médecins chercheurs et professeurs d’éthique, sont souvent en première ligne face à ces conflits. Ces désaccords prennent plusieurs formes :

  • Les dilemmes moraux opposant les professionnels et les institutions

Médecins, pharmaciens, chirurgiens, infirmiers et autres auxiliaires de santé ne partagent pas toujours les mêmes valeurs que l’établissement de santé pour lequel ils travaillent. Cet antagonisme peut apparaître dès le début de la collaboration ou surgir occasionnellement, face à une situation exceptionnelle qui exige une prise de décision éthique.

Un médecin peut, par exemple, s’opposer au refus de soins décidé par une clinique privée en raison d’une absence de couverture de santé ou d’un manque de moyens financiers du patient. De même, il n’est pas rare qu’un centre hospitalier doive négocier avec son personnel sur des problématiques liées à l’éthique de la santé environnementale, l’éthique de la médecine de précision ou l’éthique du don d’organes.

  • Les conflits éthiques entre chercheurs et médecins

En théorie, les médecins et les médecins chercheurs poursuivent tous le même objectif : apporter les meilleurs soins aux personnes malades. Néanmoins, des dissensions peuvent apparaître sur la façon d’atteindre ce but. Par leur esprit critique et leurs désirs permanents d’explorer l’inconnu, les investigateurs sont plus enclins à repousser les limites de l’acceptable et apporter de nouveaux débats sur la place de l’éthique.

Les médecins, eux, sont plus attachés à leur rôle de soignants et d’interlocuteurs privilégiés face aux problèmes de santé des patients. La pratique éthique et la résolution de dilemmes éthiques à tous les niveaux font partie de leur quotidien. Ils sont plus conscients des implications et conséquences éthiques de chaque décision ou chaque traitement prescrit aux patients.

  • Les oppositions entre les soignants et les autorités

Même s’ils sont doués des mêmes intentions, les professionnels de santé et les représentants du pouvoir ne partagent pas toujours les mêmes valeurs, ni le même point de vue sur un problème concernant l’éthique. L’actualité récente montre que les idées du corps médical ne sont pas toujours respectées, ni appliquées par les autorités et les instances de santé qui les contrôlent.

Ainsi, le renversement de l’arrêt Roe c. Wade, qui protégeait le droit à l’avortement aux États unis, s’est fait contre l’avis de la majorité silencieuse du corps des médecins et des sages-femmes américains. Cet exemple – et bien d’autres – montre que la politisation d’un sujet éthique ou d’un projet éthique a aussi des répercussions sur la délibération éthique des autorités judiciaires sur la question. Cette décision ne va pas toujours dans le sens de la pensée dominante.

  • Les débats entre les professions médicales et l’opinion publique

L’opinion publique est déterminée par le courant de pensée dominant à un instant précis. Elle évolue ainsi en fonction du niveau de compréhension des leaders d’opinion, des décisions prises par les autorités judiciaires et des réalités de la société. Des facteurs sociologiques, économiques, psychologiques, humains influent sur la relation éthique du public vis-à-vis d’un thème précis. La religion, l’héritage culturel, l’histoire et le niveau d’éducation sont aussi des critères déterminants. La bonne nouvelle est que l’opinion publique comporte elle-même des divergences qui permettent aux professionnels de santé de défendre leurs propres points de vue.

La compréhension de la nature des conflits éthiques et des différentes parties impliquées dans le débat est indispensable. Cette étape franchie, les professionnels de la santé peuvent identifier les sources de dissension – qu’elles soient réelles ou hypothétiques – et tout mettre en œuvre pour les gérer et les prévenir.

  • Un manque d’éducation et de sensibilisation

Souvent, le public, les autorités et les institutions réagissent à chaud à un débat éthique, sans avoir le recul, ni la compréhension nécessaire pour en saisir l’enjeu éthique et toutes les implications éthiques, légales et sociales. Dans ce cas précis, les professionnels de santé ont le devoir de renforcer l’éthique, en organisant des séances de sensibilisation et d’information. Leur mission consiste alors à expliquer au mieux le fonctionnement et les objectifs de leur projet de recherche.

Les professionnels de santé pourraient avoir besoin d’ouvrir un centre de ressources ou, mieux encore, d’agir comme un vrai professeur d’éthique pour mieux exposer les intrications éthiques d’un sujet de recherche. De leur côté, les autorités et le public doivent pleinement s’impliquer dans le débat et essayer de comprendre, sans a priori, les démarches éthiques derrière un projet scientifique. L’instauration d’un espace éthique aussi ouvert et tolérant ne peut que contribuer au perfectionnement du contenu éthique des règlementations appliquées au développement médical.

  • Identifier les influences

Parfois, même doté d’une excellente maîtrise des implications éthiques, légales et sociales du développement médical, le participant à un débat éthique fonde ses idées à partir d’influences externes. La cupidité, l’action de lobbyistes et le désir de reconnaissance sont autant de motivations qui peuvent altérer les idées d’une personne ou d’une institution. Sa position officielle ne reflète pas ses propres convictions sur le sujet. Cela complique énormément le débat, puisque les professionnels de santé doivent trouver les véritables raisons éthiques qui animent leurs opposants.

La solution réside dans l’organisation d’échanges aussi francs et transparents que possible. La résolution d’un dilemme éthique et moral doit considérer uniquement les réelles implications éthiques, légales et sociales du développement médical, et non les bénéfices personnels des personnes qui participent au débat. Le bien-être et la santé de l’Homme surpassent tous les autres objectifs liés de près ou de loin à un projet éthique de recherche médicale. Cela inclut la compétition entre les nations, la quête du profit (par les entreprises pharmaceutiques) et la postérité.

  • Une réévaluation constante des positions

 

Le domaine éthique du développement médical n’a aucune limite, ou presque. Au fur et à mesure des progrès réalisés dans les sciences humaines, l’éthique de santé aura toujours de nouveaux défis, de nouvelles problématiques à résoudre. De nouvelles implications éthiques, légales et sociales du développement médical vont apparaître au fil des découvertes qui restent à faire dans le domaine de la santé :

–          Que penser des nouvelles molécules de traitement et de préventions de la maladie d’Alzheimer ?

–          Faut-il revoir les réglementations des protocoles de soins et de recherches sur le génome au fur et à mesure de l’avancement de l’inventaire du patrimoine génétique humain ?

–          Peut-on espérer une uniformisation de l’éthique de la santé au niveau mondial avec le nivelage des pratiques rendu possible par la démocratisation des nouvelles technologies ?

Pour répondre à ces questions et à bien d’autres, et élever le niveau éthique de l’encadrement de la pratique médicale, les professionnels de santé sont les mieux placés pour organiser une réflexion ouverte, continue et orientée vers des objectifs précis. Un conseil d’orientation éthique peut être constitué, en incluant les représentants des patients, les autorités, les leaders d’opinion religieux et historiens, entre autres.

Toute personne ayant les capacités physiques et intellectuelles pour améliorer la qualité éthique de la recherche médicale peut et doit participer à ces discussions. L’idée n’est pas d’élaborer un guide éthique universel ou inflexible. Les échanges visent plutôt à intégrer une forme d’éthique dans l’encadrement du développement médical, au lieu de se limiter à un modèle traditionnel où les réglementations sont décidées et appliquées par un pouvoir disciplinaire.

Ainsi, tout individu engagé dans la vie éthique peut exprimer et défendre librement ses positions vis-à-vis des pratiques entrant dans le cadre du développement médical. Et ce, peu importe son niveau d’implication dans la recherche médicale. L’affranchissement du discours et de la parole, sur une base continue, constitue donc le moyen le plus efficace pour promouvoir l’éthique ou renforcer l’éthique dans le domaine médical.

Agora Ethique & Santé

Partie 12 – Les critères de promotion d’une culture éthique dans le développement médical

Laissez un commentaire