Presque tous les domaines des biotechnologies s’appuient sur la capacité de l’homme à modifier des matériaux non vivants ou vivants avec l’aide du génie génétique. L’idée n’est pas de créer de nouveaux organismes, mais de reproduire ou de perfectionner des fonctions biologiques ou microbiologiques en se servant de techniques de laboratoire. En ce sens, le rôle premier de la biotechnologie consiste à contourner ou à supprimer les frontières posées par la nature pour optimiser l’efficacité des médicaments, améliorer les rendements agricoles ou développer de nouvelles thérapies. Grâce à leurs nombreuses applications, les biotechnologies remplissent des missions aussi variées que complexes :
1) Santé
Dans le domaine de la santé, les biotechnologies se concentrent sur des missions visant à améliorer la prévention et le traitement de certaines maladies incurables. Ces sciences et techniques poursuivent aussi d’autres objectifs :
a. Développement de biomédicaments et de vaccins
Traditionnellement, les médicaments proviennent d’une combinaison d’éléments chimiques – les fameux principes actifs – issus d’une filière d’extraction végétale ou d’une synthèse en laboratoire. Le principe reste inchangé, peu importe s’il s’agit d’une substance thérapeutique à vocation préventive ou curative. Le génie des procédés de biotechnologie va plus loin. Au lieu de se contenter d’une base moléculaire de petite taille, l’industrie des biotechnologies travaille sur de grandes molécules, à la fois plus complexes et plus imposantes, comme les protéines. En raison de leur complexité, la production de ces molécules nécessite inévitablement le recours à la modification d’organismes vivants. Grâce à ce choix stratégique, les biomédicaments contiennent des principes actifs jusqu’à mille fois plus complexes et plus imposants qu’un élément chimique. Les substances biomédicales présentent d’autres avantages : — Synthétisées à partir de cellules vivantes d’une lignée unique, elles sont difficiles, voire impossibles à copier par les autres laboratoires. — Le processus de fabrication se déroule dans un cadre très sécurisé et fait l’objet d’un contrôle qualité permanent. Les laboratoires effectuent jusqu’à 200 tests, analyses moléculaires et autres prélèvements afin d’établir la pureté, la qualité, l’efficacité et l’identité des médicaments biologiques. — Les biomédicaments disposent d’un potentiel immunogène largement supérieur aux molécules chimiques. Grâce à une composition soigneusement élaborée après de nombreuses études en protéomique, ces grosses molécules s’intègrent dans l’organisme et induisent une réponse immunitaire. L’EPO, le test PCR, le vaccin à ARN messager et les antibiotiques sont tous des produits de santé issus de la biotechnologie.
b. Thérapie cellulaire
Une thérapie cellulaire consiste littéralement à soigner un patient à l’aide d’injection de cellules souches sur un organe déficient ou malade. Les médecins font déjà appel à des protocoles utilisant cette technologie de biologie médicale pour traiter la leucémie, le diabète et la maladie d’Alzheimer, entre autres.
c. Organe artificiel
La transplantation constitue souvent le dernier recours possible pour les patients atteints d’insuffisance rénale sévère, d’insuffisance respiratoire avancée ou de lupus érythémateux pour espérer une guérison. Seul problème : trouver un donneur et un organe compatibles prend du temps, en plus de coûter très cher. Les chercheurs en biologie explorent aujourd’hui des procédés novateurs permettant de créer des reins ou des poumons de synthèse grâce à la biotechnologie.
d. Greffe de la peau
Les grands brûlés et les patients défigurés par un accident peuvent déjà bénéficier d’une greffe de la peau grâce à une technologie moléculaire et cellulaire innovante. Dans ce domaine, les techniques brevetées de Proietis, une biotech française, et de Curtis (denovoSkin) sont les plus prometteuses.
2)Agroalimentaire
L’agroalimentaire a toujours été le premier domaine d’application de la biotechnologie, avec les procédés de fermentation. Aujourd’hui, ce secteur bénéficie encore des nombreuses retombées des sciences et techniques de biotechnologie :
a. Les OGM
Afin de répondre aux défis de l’agriculture moderne, les biologistes et les industries spécialisées ont développé de nouvelles semences plus résistantes aux variations climatiques et aux parasites. Ces variétés, produites par transgénèse en laboratoire, sont considérées comme des organismes génétiquement modifiés ou OGM. Le principe est simple : les chercheurs sélectionnent un ensemble de plantes d’une même famille pour être étudié en laboratoire. Ils identifient et sélectionnent les gènes qui les intéressent, en ciblant particulièrement des qualités comme le rendement, la résistance, la résilience, la durabilité et la vitesse de croissance. L’ingénieur biologiste prélève ensuite un ou plusieurs gènes codant pour les incorporer dans le génome d’une autre plante. Avec ce procédé, le biologiste se dote ainsi de nouvelles propriétés rendues indispensables par l’agriculture industrielle.
b. Les aliments de synthèse
Devant les besoins en protéine animale toujours plus élevés de la société moderne, l’industrie agroalimentaire innove en permanence. Ces innovations débouchent sur des produits surprenants, comme les aliments de synthèse, en tête desquels figure la viande « cultivée ». Cette viande « in vitro » est produite en laboratoire par une série de techniques de biologie et de bio-ingénierie. Les défenseurs de l’environnement y voient une alternative viable à la filière bovine, avicole et porcine, très gourmande en énergie et en ressources naturelles. Les partisans des causes animales, eux, saluent une technologie salvatrice, basée uniquement sur la biochimie et biologie moléculaire. Toutefois, la viande cultivée reste encore au stade embryonnaire. Des recherches en biologie plus avancées sont nécessaires pour en évaluer l’impact environnemental et les risques liés aux perturbateurs endocriniens et aux hormones anabolisantes.
c. Les microbes
Entre 2011 et 2020, la consommation annuelle de pesticides en France se situe autour de 110 000 tonnes, contre 2 200 tonnes pour la Suisse. Presque tous les pays européens souhaitent se défaire de leur dépendance à ces produits chimiques pour leur industrie agroalimentaire. La solution se trouve peut-être dans les biotechnologies, plus précisément dans l’univers microbien. Des scientifiques et experts en biologie végétale explorent actuellement de nouvelles pistes afin de remplacer à terme les engrais chimiques et les pesticides par des microbes. La recherche expérimentale sur le microbiote de la rhizosphère est particulièrement prometteuse. Des start-ups, comme Joyn BIO, explorent d’autres voies en bactériologie, en inoculant des bactéries qui fixent l’azote dans des céréales génétiquement modifiées.
d. Les alicaments
Alicament est un néologisme venant de la contraction d’aliment et de médicament. Utilisé principalement par les professionnels du commerce et du marketing, ce terme désigne aussi une autre application de la biotechnologie dans le domaine agroalimentaire. Les alicaments modernes découlent d’une filière de transformation ayant pour but d’augmenter artificiellement la valeur nutritive d’un aliment. La modification de l’aliment se fait de plusieurs manières différentes : — L’industriel ou le fabricant enlève un composant indésirable sous la supervision d’une technicienne de laboratoire ou d’une personne titulaire d’une maîtrise en biologie. — La marque rajoute un élément supplémentaire à la composition de l’aliment. — On modifie les substances nutritives des élevages — On augmente la concentration naturelle d’une substance, comme les oméga-3 ou les oméga-6 Les manipulations biotechnologiques des aliments s’inscrivent toujours dans un but précis : valider les effets positifs du produit contre certaines maladies ou renforcer les défenses immunitaires du consommateur.
3) Environnement
Le domaine des biotechnologies s’intéresse énormément aux applications possibles dans le secteur de l’environnement. À l’heure où la préservation de la faune et de la flore devient une priorité mondiale, les scientifiques et militants croient qu’il est vital d’exploiter le potentiel des notions de biologie pour le bien de l’écologie. Deux axes de développement se révèlent particulièrement prometteurs :
a. Le traitement des eaux usées et des déchets
En 2021, le monde a produit 139 millions de tonnes de déchets plastiques à usage unique, soit 6 millions de tonnes en plus par rapport à l’année précédente. Ce chiffre n’inclut pas encore les ordures ménagères, les déchets professionnels et autres débris d’équipement électronique. Malgré tous les efforts déployés par les gouvernements, les entreprises et les associations, ces déchets génèrent une pollution incommensurable au niveau des sols, de l’eau, de l’air et des nappes phréatiques. Avec la biotechnologie, les acteurs de la dépollution testent de nouvelles techniques de décontamination basées sur la bioremédiation, la dégradation chimique et l’activité d’organismes vivants. Pour les eaux usées, les industriels utilisent déjà un procédé de traitement biologique par boues activées et par clarification. Ces technologies reposent sur les capacités d’absorption et de transformation de bactéries et micro-organismes pour nettoyer l’eau. On en distingue plusieurs types, dont : — les filtres percolateurs ou à lit mobile ; — les réacteurs à biofiltres ou à biodisques ; — les bioréacteurs séquentiels ; — les réacteurs à biomembrane ; — la biomasse fixe ou en suspension. Ces techniques peuvent être complétés par des traitements supplémentaires, comme : — la filtration au charbon ; — le sulfate de fer ; — l’ultrafiltration ; — la chloration ; — le traitement UV. Ces techniques novatrices n’auraient jamais existé sans les investissements dans les connaissances en biologie et sans les recherches fondamentales en chimie biochimie et en parasitologie.
b. La valorisation des matériaux renouvelables et la production d’énergie
De plus en plus populaires, les techniques de recyclage exploitent à grande échelle les procédés de transformation et de réduction issus des domaines des biotechnologies. Différentes pistes font l’objet d’expérimentations avancées : — Des industriels produisent actuellement du saccharose à partir de la canne à sucre et de la betterave sucrière. Cette filière d’avenir contribue à la production d’additifs pour substrat de fermentation, de biocarburant et d’une alimentation animale et humaine de qualité. — Les scientifiques réalisent aussi des progrès remarquables dans la valorisation des microalgues et des macroalgues pour la production de biocarburants. — Les graines oléagineuses de colza et de tournesol jouissent déjà d’une solide réputation dans les domaines de la biologie. Ces agroressources permettent à la fois d’obtenir des biolubrifiants premium et des variétés de farines très riches en protéines.
4) Cosmétique
Les biotechnologies sont omniprésentes dans tous les domaines de la beauté. Le sujet intéresse très tôt le département de biologie des grandes marques de cosmétique. Leurs travaux ont permis d’identifier, de perfectionner et d’affiner la caractérisation de molécules qui aident à la lutte contre le vieillissement ou à la protection contre les UV, entre autres. Aujourd’hui, les biotechnologies pénètrent tout le marché des produits de soins, d’hygiène et d’embellissement. Cela englobe : — Les crèmes, les lotions et les huiles solaires ; — les parfums et les eaux de toilette ; — le shampoing, le savon, le déodorant et les autres produits d’hygiène ; — les sérums, les crèmes toniques, les lotions hydratantes et les produits de maquillage. L’intérêt des industries de la beauté n’est guère surprenant. Selon les estimations, le marché du cosmétique dépasse 511 milliards de dollars en 2021.
La biotechnologie est présente dans une panoplie de domaines, tels que la santé, l’agroalimentaire, l’environnement et la cosmétique. Il n’est pas à écarter qu’elle commence à toucher d’autres secteurs, compte tenu du rythme auquel le monde se développe. Il s’avère nécessaire de continuer d’investir massivement dans les biotechnologies.