L’accès aux soins peut-il souligner les inégalités sociales de santé ?
Les systèmes de santé répondant à une logique capitaliste entraînent inévitablement des fractures et des inégalités dans l’accès aux soins. Le développement médical, par sa nature bienfaisante et juste, cherche toujours à gommer ces imperfections, sans grand succès, pour le moment. Les faits montrent que l’accès aux soins de base reste très inégalitaire, dans les pays à l’économie développée et encore plus dans les pays économiquement instables.
Ces inégalités touchent même la France, pays qui dispose du « meilleur système de santé au monde » selon l’OMS. On observe de fortes disparités selon la profession, le niveau d’étude et les milieux sociaux dans presque tous les indicateurs de santé de référence. À noter que ces inégalités ne peuvent être considérées comme telles que s’il est établi qu’elles sont corrélées à une hiérarchie sociale, socio-professionnelle ou ethnique. Ces iniquités se retrouvent à la fois sur l’accès primaire et sur l’accès secondaire aux soins.
- Un accès primaire aux soins très différencié
Dire que les plus défavorisés souffrent le plus des inégalités sociales de santé est un pléonasme. Morbidité, incapacités, qualité de vie ou mortalité : tous les indicateurs de santé virent au rouge dans les pays et les classes sociales les plus précaires. Cette injustice concerne également les populations désargentées des pays riches.
Un rapport de la DREES en septembre 2022 révèle que les enfants de cadres sont plus nombreux que ceux des ouvriers à porter des lunettes (37 % contre 31 %). Les personnes modestes sont beaucoup plus exposées à une maladie chronique par rapport aux Français les plus aisés. Ce sur-risque semble particulièrement marqué pour les maladies psychiatriques, la maladie chronique du pancréas et le diabète. Exceptionnellement, certaines formes de cancer sont plus rares chez les personnes qui ont un niveau de vie modeste.
En faisant abstraction des différences de mode de vie et d’exposition aux substances cancérigènes, la DREES note un fort décalage dans les statistiques de recours aux tests de dépistage. Concrètement, les patients les plus aisés se font dépister plus souvent que les individus aux revenus modestes. Les écarts de remboursement de ces tests ne sont certainement pas étrangers à cette injustice.
- Des inégalités tout aussi évidentes sur l’accès secondaire aux soins
L’accès secondaire aux soins désigne toutes les interactions, trajectoires et procédures qui suivent un premier contact avec un médecin généraliste ou une structure sanitaire chargée du diagnostic. Là encore, les statistiques officielles font apparaître plusieurs gradients associés au niveau d’étude, à la profession et aux milieux sociaux. Les femmes en situation de précarité restent éloignées des soins de prévention comme le dépistage du cancer du sein et du cancer du col, même si ces tests leur ont été prescrits.
Cependant, les disparités dans l’accès secondaire aux soins ne résultent pas toujours des écarts de revenus. L’organisation du système de santé, le cloisonnement des établissements publics et privés, ainsi que les failles du système de partage d’informations entre soignants sont aussi responsables.
Ces manquements ne peuvent être corrigés sans une réévaluation du modèle organisationnel des établissements de soin, du personnel médical et des protocoles de prise en charge. Effacer ces inégalités est l’une des nombreuses implications éthiques, légales et sociales du développement médical. Cette question éthique figure clairement comme l’un des problèmes éthiques prioritaires dans le système de santé actuel.
Partie 3 – Des avancées médicales accessibles à tous : projet réel ou utopie ?