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Les principes fondateurs de l’encadrement de la recherche médicale

La recherche médicale occupe une place on ne peut plus importante dans le domaine de la santé. Son encadrement repose sur plusieurs principes fondateurs. C’est ce que nous essaierons d’analyser dans ce dossier.

Où placer l’importance de la déontologie, de l’éthique et du Code de santé publique dans la recherche médicale ?

L’élaboration d’un modèle raisonné pour la recherche médicale repose sur trois principes majeurs :

  • La déontologie
  • L’éthique
  • Le code de la Santé publique

 

  • LA DEONTOLOGIE

« Déontologie » vient du mot grec deontos, qui signifie « devoir ». Ce terme renvoie systématiquement aux obligations auxquelles une personne ne peut pas se soustraire dans le cadre de son travail. Un ingénieur de structure s’engage, par exemple, à garantir la fiabilité, la durabilité et la sécurité d’une construction dont il a la charge. La déontologie de sa profession lui impose cette obligation éthique. La déontologie n’encadre pas seulement la pratique du métier en question. Elle fixe aussi des règles plus ou moins explicites sur la conduite acceptable dans la pratique dudit métier. Dans les domaines des sciences, la déontologie fixe des normes qui régissent les agissements des professionnels de la recherche médicale :

  • Le secret professionnel

Le secret médical s’impose avant tout au personnel de soin, dont les psychologues, les externes, les internes, les pharmaciens, les sages-femmes, les auxiliaires médicaux et autres psychologues et diététiciens. Les laboratoires d’analyse, les laborantins… et les chercheurs qui participent à un essai clinique sont eux aussi soumis au secret médical.

En Suisse, l’article 11 du Code de déontologie FMH exige des médecins qu’ils garantissent en permanence l’anonymat des personnes qui participent à des études scientifiques. Les données ou publications scientifiques ne doivent contenir aucun indice ou aucun détail qui peut permettre d’identifier les sujets de l’étude. Les autres pays européens appliquent un règlement similaire dans leur propre code de déontologie médicale (articles 43 et 44 dans le texte français).

  • La gestion des conflits d’intérêts

Il est acquis que tout projet de recherche poursuit avant tout la progression de la science médicale,  l’amélioration de la compréhension du corps humain et le perfectionnement des procédés utilisés dans la médecine humaine. Néanmoins, le développement médical moderne fait intervenir plusieurs personnes aux intérêts forcément différents et parfois opposés. Le médecin, agent dédié au bien-être et à la santé du patient, peut ainsi s’opposer à un chercheur, dont l’objectif premier est de faire avancer la science. Les intérêts divergents des intervenants génèrent des conflits qu’il faut gérer. Cela nécessite de trouver un compromis acceptable pour toutes les parties, sans toutefois sortir des barrières morales et réglementaires définies par l’éthique et le Code de la déontologie.

  • L’obligation de prioriser le bien-être et la santé du patient

Le développement médical vise un objectif prioritaire : améliorer les techniques et les produits utilisés dans les soins médicaux afin d’offrir le meilleur niveau de santé et de bien-être aux patients. Cette finalité surpasse de loin toutes les autres motivations des chercheurs, comme la notoriété, la gloire, l’argent ou la compétition. La déontologie impose aux médecins chercheurs qu’ils privilégient le bien-être du patient et qu’ils évitent toute action susceptible de lui porter préjudice. Ce code de conduite aide à protéger l’indépendance des projets de recherche, à condition bien sûr qu’ils soient surveillés et encadrés par un comité spécialisé.

  • L’intégrité scientifique

L’intégrité scientifique s’appuie sur le respect des bonnes pratiques dans la recherche médicale. Ces codes et valeurs garantissent le caractère rigoureux, indépendant et honnête du développement médical et scientifique. Sans ces principes, le public, les autorités et les patients peuvent raisonnablement douter de la qualité des résultats issus de la recherche scientifique. L’intégrité repose sur quatre critères fondamentaux, dont l’honnêteté, le respect, la responsabilité et la fiabilité.

Tous les centres de recherche, universités et autres institutions œuvrant dans le développement médical opèrent sous la diligence d’un référent déontologue. Il s’agit parfois d’une seule personne ou d’un comité chargé de veiller à la bonne conduite des pratiques de recherche sous leur responsabilité.

  • L’ETHIQUE

Les premiers bourgeons de l’éthique de la recherche médicale scientifique apparaissent dans les années 1960. À cette époque, plusieurs scandales en recherche biomédicale éclatent aux États-Unis, révélant au monde entier les implications éthiques, légales et sociales du développement médical. Des lanceurs d’alerte rapportent les méfaits de chercheurs qui mènent des expérimentations brutales sur des sujets humains. Cette polémique incite l’ensemble des milieux scientifiques à définir les premières lignes de force de l’éthique de la recherche. Une commission nationale créée par le Congrès américain invite la communauté scientifique et les autres leaders d’opinion à établir une base solide à l’éthique du développement médical. Cette ligne directrice s’articule autour de trois questions essentielles :

  • Sur quel fondement l’expérimentation repose-t-elle ? Sur sa valeur scientifique ou sur le bienfait de la découverte qu’elle promet ?
  • Les expérimentations respectent-elles les principes éthiques de base, comme la justice, la bienfaisance et le respect des personnes ?
  • Les chercheurs font-ils la distinction entre la pratique médicale, qui œuvre pour le bien du patient, et la recherche scientifique, plus axée vers le progrès du savoir ?

La Commission désignée par le Congrès anime les débats sur les implications éthiques, légales et sociales du développement médical. Les questions soulevées par la Commission apportent un regard nouveau sur l’encadrement des pratiques de recherche en biomédecine. La communauté scientifique découvre alors de nouveaux enjeux absents ou peu traités dans les textes existants, comme le Code de Nuremberg (1947) et les Principes d’Helsinki (1964). De ces débats, la Commission retient trois principes d’éthique fondamentaux, qui continuent d’être respectés par les chercheurs du monde entier aujourd’hui :

  • Le respect de la personne

Esprits libres et autonomes, les chercheurs du début du XXe siècle s’imposent très peu de limites. Les réflexions consécutives aux abus post-guerre mondiale jettent les bases d’une charte de bonne conduite où le respect des personnes occupe une place centrale. Dans les pays signataires de cette charte, les individus et sujets d’une recherche sont considérés comme des agents autonomes. Elle reconnait également la nécessité de protéger davantage les personnes dont l’autonomie est diminuée.

Ce principe pose des limites à l’utilisation de sujets nécessitant une protection particulière à cause d’une incapacité ou d’une immaturité. Un enfant en bas âge ne peut, par exemple, donner son consentement éclairé pour participer à une étude pouvant influencer sa santé et son bien-être. De même, les personnes souffrant d’une déficience mentale ou motrice sont protégées d’emblée par cette règle ayant de fortes implications éthiques, légales et sociales sur le développement médical. Si le sujet ne peut pas donner un consentement volontaire et libre, les auteurs de l’expérimentation doivent demander l’avis de tierces parties, comme un tuteur légal, un parent ou un comité d’éthique.

  • La bienfaisance

Le principe de la bienfaisance en recherche clinique puise ses origines dans le Serment d’Hippocrate. En clair, tout projet de développement médical doit bénéficier à la santé de l’Homme, au niveau individuel et à l’échelle sociale. Les travaux doivent aussi contribuer à l’amélioration des conditions de vie. Une analyse comparative doit prouver que les risques éventuels restent insignifiants par rapport aux bienfaits attendus. Si les chercheurs identifient un ou plusieurs risques, ils ont l’obligation de les minimiser le plus possible.

  • La justice

Les recherches médicales produisent rarement des résultats identiques sur tous les individus. Certains groupes bénéficient des retombées positives de ces travaux, tandis que d’autres en subissent les méfaits. L’histoire montre que l’avancée médicale aux États-Unis et dans le monde occidental en général vient d’une série d’expérimentations effectuées sur des patients pauvres et démunis. Les fruits de ces essais profitent ensuite à une patientèle privilégiée.

Une recherche médicale éthique s’intéresse de fait à toutes les catégories de sujets et non seulement aux individus considérés injustement comme des citoyens de second rang. Choisir prioritairement des prisonniers ou des personnes en situation de handicap est ainsi immoral selon ce principe.

C- Le CODE DE SANTE PUBLIQUE

Le Code de Santé publique constitue le troisième pilier indispensable à la compréhension des implications éthiques, légales et sociales du développement médical. En France, le premier texte du genre voit le jour en 1953, avant d’être reformulé entièrement entre 2000 et 2005. Ce code est à ce jour l’un des plus complets et des plus avancés en matière de réglementation des pratiques en milieu médical et dans les centres de recherche.

Le Code français compte plus de 10 000 articles répartis en 6 parties. Le texte évoque notamment le droit particulier propre à certaines maladies, le droit des professions de santé, le droit des établissements de soin, le droit des produits de santé, le droit particulier propre à certaines populations et le droit des personnes en matière de santé.

Le volet législatif du Code est régulièrement mis à jour, en fonction de l’évolution des pratiques, des technologies et des idées. Un encadrement des recherches médicales qui exploitent l’Intelligence Artificielle aurait été superflu dans les années 1960. Aujourd’hui, une telle réglementation se révèle nécessaire, voire indispensable compte tenu du rapide développement de cette technologie.

Agora Ethique & Santé

Partie 2 – Comment résoudre l’impact des inégalités sociales de santé sur l’accès aux soins ?

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