Comme l’a montré l’exemple de l’épidémie de Covid-19, l’action en santé publique peut sauver des millions de vies, moyennant une prise de décision rapide et des mesures fortes respectées par la majorité de la population. En plus de la réaction d’urgence, la santé collective repose également sur des choix stratégiques basés sur une identification en amont des risques émergents et des menaces critiques qui pèsent sur le bien-être et la santé des populations. L’analyse de ces risques fait appel à des techniques héritées des sciences humaines, des sciences économiques et d’une juste observation du contexte sanitaire et social dans les différentes régions du monde. Les scientifiques, les experts de l’économie de la santé et les organisations humaines et sociales suivent de près quatre types de risques majeurs sur la santé collective :
1. Les risques liés aux comportements
La majorité des risques émergents pour la santé publique provient de l’action humaine ou de l’absence d’action humaine. Selon l’OMS, les menaces suivantes sont particulièrement frappantes :
— La baisse généralisée des dépenses de santé inquiète les observateurs. Hormis durant la période de 2020-2021, les États multiplient les initiatives budgétaires qui affectent l’efficacité des services de santé. Les professions médicales et établissements de santé en subissent les conséquences. Réduction du nombre de lits d’hôpitaux, multiplication des déserts médicaux et surcharge des hôpitaux publics et privés abaissent forcément la qualité de prise en charge des personnes malades.
— Les conflits armés perturbent le fonctionnement des systèmes de soins et causent même la destruction d’infrastructures vitales. Les populations civiles sont les plus exposées. Les déplacements de milliers de personnes favorisent la propagation de maladies, d’accidents médicaux et d’infections nosocomiales dans les camps de fortune.
— De mauvaises pratiques d’élevage facilitent l’émergence de zoonoses potentiellement mortelles pour l’homme. La fièvre charbonneuse, la salmonellose, la leptospirose et la brucellose en sont quelques exemples. L’abus d’agents chimiques et d’aliments synthétiques pour les animaux soulève aussi nombre de questions chez les enseignants chercheurs et doctorants qui étudient l’augmentation des cas de cancer dans le monde.
L’étude des risques de santé publique liés aux comportements nécessite l’intervention d’experts en sociologie, en biologie, psychiatrie et en sciences sociales, les plus qualifiés pour comprendre les motivations derrière chaque décision de la personne humaine.
2. Les risques liés aux facteurs environnementaux
La destruction de l’environnement par les activités humaines ne fait plus de doute selon les derniers rapports et études du GIEC. Sans une inflexion radicale dans les habitudes de consommation et du modèle organisationnel de la société en général, l’espoir d’une régénération rapide de la biodiversité et du climat s’amenuise. Pire, les changements climatiques et les facteurs environnementaux font déjà peser une menace réelle sur la santé de millions de personnes.
À cause du réchauffement planétaire et du dérèglement des températures, le schéma de propagation géographique de certaines maladies infectieuses évolue. Des zones autrefois épargnées par les maladies transmises par des insectes se trouvent ainsi exposées à ces problématiques à cause d’une pluviosité plus abondante. La pollution atmosphérique généralisée multiplie également les affections pulmonaires et les affections cardiaques. Les chaleurs extrêmes peuvent aussi aggraver les problèmes de santé mentale chez certaines personnes dépressives et anxieuses. Enfin, l’impact sanitaire des feux de forêt et des sécheresses est loin d’être négligeable.
La résolution de ces problèmes dépasse le seul cadre de compétence des professionnels de la santé. Ce défi se pose à tout le monde, y compris les dirigeants, les citoyens, les titulaires de diplômes en sciences politiques, les experts en ingénierie, en gestion des ressources et en économie et gestion des questions environnementales. La réponse se trouve peut-être dans les sciences et technologies, mais aussi dans une refonte des fondements des relations internationales et des systèmes socio, politico-économiques
3. Les risques épidémiologiques
Les sciences pharmaceutiques, les sciences de la santé et les sciences de la vie en général se développent actuellement à un rythme et à un niveau difficilement envisageable il y a 50 ans. Ces progrès améliorent significativement l’accompagnement en fin de vie, les protocoles d’hospitalisation et la qualité des soins en centre hospitalier.
Malgré ces avancées vertigineuses, l’humanité reste très exposée aux risques épidémiologiques, surtout aux agents pathogènes de la grippe. Des souches mutantes apparaissent régulièrement et imposent une réorganisation des mécanismes de veille et de surveillance des organismes gouvernementaux. La poliomyélite, la tuberculose, le paludisme, Ebola et le VIH-SIDA sont autant de maladies qui représentent un risque épidémique et biologique majeur.
Là encore, les centres d’études médicales, les Autorités régionales de santé (ARS) et les services de soins ne sont pas les seuls à hériter de la responsabilité médicale occasionnée par ces menaces. La gestion d’un risque en épidémiologie touche aussi les politiques, les juristes en droit public et en droit civil, les responsables du secteur du transport et les décideurs économiques.
4. Les menaces afférentes à la résistance aux antimicrobiens
Grâce aux innovations apportées par les biotechnologies, les soignants disposent d’un choix plus large de traitements à administrer aux patients. Cette multiplicité de solutions crée un autre problème. L’abus d’antimicrobiens conduit à l’émergence de bactéries mutantes, plus complexes et plus résistantes aux antibiotiques habituels. Ce phénomène s’observe aussi chez les virus, les parasites et les champignons. Ainsi, les médicaments perdent en efficacité. Les risques de propagation des infections s’accroissent, jusqu’à menacer toute l’humanité.
Afin de contrer toutes ces menaces, les personnes en charge de la santé publique d’un pays ou d’une région font face à un dilemme : comment prévenir et combattre efficacement les éléments qui mettent en danger la santé de la population ? Ont-elles le droit d’invoquer le principe d’utilité publique pour prendre des mesures radicales, sans consulter l’avis de la population ? Comment garantir que la riposte contre les menaces sanitaires s’aligne avec les principes de base de l’éthique du code de déontologie, du droit social, de l’éthique de la santé, de l’éthique médicale, de la bioéthique et de l’éthique de la recherche ?
Afin de mener à bien cette réflexion, toutes les parties concernées doivent saisir tous les enjeux sociaux, économiques et politiques de la façon dont la santé publique s’organise dans le monde. Dans ce domaine, plusieurs théories coexistent dont une sort du lot : l’utilitarisme.
Partie 4 – Qu’est-ce que la théorie utilitariste en santé publique ?