L’environnement, la santé et société entretiennent depuis toujours des relations à la fois plurielles et complexes. La nature et l’intensité de ces liens varient en fonction du temps et d’autres facteurs externes, comme les dimensions techniques, socio-économiques et les choix politiques. Néanmoins, il a toujours été acquis que la santé et le bien-être de la population dépendent beaucoup de la façon dont une société fonctionne ou s’organise.
L’Organisation mondiale de la santé affirme même que la bonne santé collective est inenvisageable sans un minimum de cohésion sociale. Les faits et l’histoire lui donnent raison. Au début du XXe siècle, l’action publique de la société européenne a permis de stopper, ou du moins, freiner la propagation de la grippe espagnole.
En Suisse, les autorités ont pris la décision radicale de fermer les écoles, les théâtres et les cinémas, en plus de restreindre les réunions, afin de ralentir l’épidémie. Les pouvoirs publics ont pris des mesures similaires lors de l’épidémie de Covid-19. Ces choix qui relèvent de l’éthique appliquée ont sans doute sauvé des milliers de vies. Ils ont aussi influencé directement ou indirectement la santé et le bien-être de la population, pendant et après l’épidémie. Voici quelques données intéressantes qui soulignent les effets d’une décision éthique sur la santé de la population :
– Une étude menée au CHU de Toulouse montre que le confinement est lié à une hausse significative des symptômes de dépression et d’anxiété chez certains patients.
– 12 % des patients suivis durant cette étude signalent une augmentation du traitement médicamenteux contre l’hypertension et l’hyperglycémie.
– Une autre étude révèle que 42,8 % des Français ont ressenti plus de fatigue que d’habitude lors des confinements.
– Le bien-être des Français est passé de 7,07 à 5,6 sur l’échelle de Cantril durant cette période de distanciation sociale.
Ces chiffres rappellent la complexité de la prise de décision en matière de protection et de promotion de la santé publique. Durant l’épidémie de Covid, les décideurs politiques, soutenus par les professions de santé, misent sur le confinement pour limiter l’encombrement des hôpitaux et alléger la charge de travail des centres hospitaliers et des services sociaux. Ce choix se base sur des considérations éthiques, techniques, financières et sociales. Au-delà des résultats satisfaisants à court terme, cette décision de société a un impact non négligeable sur la santé et le bien-être d’une partie de la population à moyen et long terme.
Cet exemple rappelle au moins deux vérités clés sur les rapports entre santé et société :
– Une action publique de santé, même la plus élaborée, suscite toujours des conflits éthiques en raison de sa complexité et de ses nombreuses implications sur des sujets aussi sensibles comme les droits des malades, le respect de l’anonymat et du secret médical, l’accompagnement en fin de vie et l’intégrité des travailleurs sociaux.
– Une prise de décision éthique en matière de santé comporte toujours des risques et affecte potentiellement la vie de millions de personnes.
– Établir une politique ou un plan de santé égalitaire et respectueux des droits de chaque personne humaine est difficile, sinon impossible compte tenu des variables à prendre en compte, y compris les déterminants sociaux de la santé.
Les rapports entre santé et société méritent de fait un questionnement éthique permanent de la part de tous les acteurs du domaine de la santé. Ce défi concerne tout le monde, dont l’Ordre des médecins, la commission éthique des hôpitaux, les professeurs d’éthique et de droit médical, pharmaciens, l’agence régionale de santé et toute personne intéressée par la morale et l’approche éthique de l’organisation d’un système de santé.
Partie 2 – La bonne posture à adopter face aux déterminants sociaux de la santé