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Le dilemme de la répartition des ressources en temps de crise

Les situations de crise, comme les pandémies et les catastrophes naturelles, ajoutent une pression supplémentaire sur les environnements hospitaliers déjà saturés et sous tension en temps normal. Ces circonstances font apparaître plusieurs dilemmes, que la direction de santé publique doit résoudre dans un délai relativement court.

1-     Le défi lié à la disponibilité des ressources

Pour des raisons budgétaires et politiques, les ressources déployées dans les hôpitaux et les urgences sont calibrées en fonction des besoins immédiats de la population. Cet arbitrage concerne notamment le nombre de lits, les fournitures médicales, les ventilateurs et autres matériels indispensables, comme les scanners et les équipements de protection individuelle. Les crises sanitaires révèlent au grand jour la corrélation entre ces ressources et leurs implications éthiques, légales et sociales sur la santé de la population.

Durant les premiers mois de l’épidémie de Covid-19, plusieurs hôpitaux français sont submergés par des patients en urgence plus ou moins vitale. Le personnel soignant se trouve alors obligé de trier les patients et de prioriser les interventions et les traitements. Un peu comme en temps de guerre. Le fait de refuser ou de retarder la prise en charge d’une personne malade s’oppose au principe de bienfaisance. Cela bafoue également les droits de chaque citoyen à bénéficier de soins de qualité qui font partie intégrante de l’engagement communautaire d’un établissement public de santé.

Les personnes atteintes de Covid ne sont pas les seules lésées. La limitation des ressources perturbe également le traitement de patients qui souffrent de maladies chroniques. Devant le tri et la baisse de l’activité des centres hospitaliers, les malades chroniques se tournent vers les services de l’e-santé pour assurer la continuité du traitement et du suivi de leur état de santé. Une étude révèle que ces changements influent sur la santé mentale de ces personnes. Les chercheurs ont découvert une nette augmentation des niveaux de dépression, de stress et d’anxiété chez ces patients. Ces facteurs laissent entrevoir un risque de morbidité accru lié aux maladies chroniques, en particulier chez les catégories sociales les plus vulnérables.

2-     Comment éviter l’aggravation des inégalités sociales de santé ?

Les situations de crise exacerbent aussi les inégalités sociales de santé préexistantes. Les populations les moins favorisées souffrent déjà d’un accès limité à des services de santé de qualité en temps normal. Elles se contentent des prestations de base en santé et des services sociaux. Lors de la pandémie, ces personnes ont été plus affectées par la pénurie des ressources. Aux États-Unis, les chercheurs ont relevé des taux élevés de morbidité liés au Covid chez les populations racisées ou BIPOC (Black, Indigenous and People of Color) comme on dit outre-Atlantique. En plus des facteurs génétiques, les scientifiques attribuent cet écart à des facteurs socio-économiques et démographiques. Ce déterminant clé a une incidence notable sur l’accès aux soins et les conditions de vie de cette communauté.

3-     La gestion des besoins immédiats et la prévention des retombées à long terme

La gestion des ressources en temps de crise a aussi des implications éthiques, légales et sociales sur la santé de demain. Les décideurs font face à un énorme dilemme : comment s’assurer que les dépenses engagées dans la gestion d’une situation d’urgence ne menacent pas la pérennité du système de soin à long terme ? Cette question est à mettre en perspective avec les difficultés sous-jacentes relatives au déficit de la sécurité sociale et au financement des mécanismes de couverture sociale.

La répartition des ressources affectées à une situation de crise pose le défi de la bonne gouvernance et de la planification de santé par les autorités. L’objectif consiste à optimiser la réponse d’urgence contre la situation de crise, sans pour autant menacer l’organisation du système de santé de la population actuelle et de la génération suivante. En gros, le dilemme se résume à sauver le maximum de vies aujourd’hui, sachant qu’une mauvaise répartition des ressources fait peser une menace sur la santé et les vies d’autres personnes dans le futur.

La réponse à cette problématique réside dans une politique de santé basée sur la collaboration nationale, l’amélioration des stratégies de veille sanitaire et la promotion de la prévention à tous les niveaux des systèmes de soins. Évidemment, ces mesures gagnent en efficacité si elles sont élaborées, planifiées et encadrées avec l’aide d’un centre de ressources soutenu par des acteurs universitaires, un grand institut de santé publique (comme l’INSERM en France) et un directeur de l’espace éthique de réflexion au niveau régional ou national. Un encadrement éthique de la gestion des ressources ne peut être que bénéfique pendant une situation de crise et au-delà.

Partie 9 – Les enjeux éthiques de l’utilisation de la technologie dans la santé

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